Macbeth

Mise en scène et dramaturgie

Un cavalier montant un étalon noir vient annoncer l’arrivée du roi Duncan, bientôt assassiné. Le noir, couleur funeste percée de quelques traits de lumière, enveloppe le plateau. Le chœur n’est qu’une voix, guère une présence, les personnages apparaissent, sculptés par la lumière… Mais lorsque la révolte contre le tyran prend forme, le spectacle apparaît tel un négatif, le noir est blanc. Un étalon blanc survient, présageant le dénouement… On serait tenté d’y voir un hommage à Orson Welles, à son Macbeth noir et blanc menaçant, à mi-chemin entre réalité et fantasme, à sa Lady Macbeth infanticide… Mais les inspirations de la mise en scène de Mario Martone sont plurielles, au confluent de plusieurs disciplines qui n’attendaient que l’opéra de Verdi pour entrer en fusion.

Mario Martone chérit depuis longtemps l’idée de voir réunies sur scène ses expériences de théâtre, de cinéma et d’opéra. Alors, l’envie de Daniele Gatti de créer un spectacle fait de lumière et de projections le séduit d’emblée. « Macbeth est un opéra qui se prête beaucoup à la dimension cinématographique, à ce mélange d’images de théâtre et de cinéma« .

Martone repense alors à une scène coupée au montage de son film « Noi credevamo »: un cauchemar où trois femmes reviennent sans cesse tourmenter Giuseppe Mazzini, l’un des chefs du Risorgimento italien, sur une musique de Macbeth. De cette séquence vidéo est née l’inspiration pour la première image de l’opéra: celle des sorcières.

« Macbeth de Shakespeare produit des symboles, des images qui font partie de nous, explique Martone. Macbeth en tant que personnage n’est pas un monstre au-delà de la dimension humaine, mais représente quelque chose qui se trouve à l’intérieur de chaque homme. Le démon est dans chaque être humain, démon avec lequel il faut compter.« .

Macbeth n’est pas un opéra sur le pouvoir: c’est de la relation sadomasochiste entre Macbeth et sa femme, et de la folie respective des deux personnages que naît toute l’œuvre. « Ici aussi Shakespeare touche à quelque chose d’important: il touche au couple. Le couple est un lieu, une situation où les êtres humains peuvent donner le meilleur comme le pire d’eux-mêmes. » Martone cherche alors à voir ce qui, à l’intérieur de ces symboles et de ces situations, survit à l’intérieur de nous, dans notre inconscient. Le plateau tissé de lumière et de projections devient alors cet inconscient, « le lieu de l’âme« .

L’essence de l’œuvre reste d’une actualité confondante. « Tout comme j’ai retrouvé les trois femmes du cauchemar de Mazzini, ainsi on peut retrouver la dynamique entre Macbeth et sa femme dans un couple d’assassins qui ont défrayé la chronique il y a quelques années en Italie« .

Il ne s’agit cependant pas d’actualisation, et les costumes des personnages renvoient au XI siècle. « Il y a une symbolique archaïque dans Macbeth, et qui s’oppose à toute actualisation. Il y a quelque chose d’éternel dans les démons de Macbeth« .

On retrouvera, sur scène, cette particularité de l’inconscient où lieux et époques se mélangent dans un amalgame qui ne fait sens qu’en rêve. Ainsi, le plateau sera habité de personnages historiques, monstres, femmes évanescentes et cavaliers à cheval surgissant de l’obscurité. Et de présages: une forêt projetée sur tulle blanc prédit la chute de Macbeth lorsqu’elle se transforme en branches calcinées, et la robe rouge sang de Lady Macbeth annonce déjà la « macchia maledetta« , cette tâche maudite.

Mario Martone

Mario Martone

mise en scène

Mario Martone est metteur en scène de théâtre et d‘opéra, réalisateur et scénariste. A l’opéra, il est l‘auteur d’une vingtaine de mises en scène, parmi lesquelles Cavalleria rusticana et Pagliacci (2011), Luisa Miller (2012) et Oberto (2013) au Teatro alla Scala de Milan, Un bal masqué (2005) à Covent Garden, Falstaff (2008) au Théâtre des Champs-Elysées... Issu du théâtre d’avant-garde où il collabore notamment avec Toni Servilio, Mario Martone réalise également plusieurs longs-métrages, dont la fresque viscontienne "Il Giovane Favoloso", présentée à la dernière Biennale de Venise. Depuis 2007, il dirige le Teatro Stabile di Torino.

Fiche technique